Extraits de livres :  Ma dernière année de classe

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L'enquête s'est plutôt bien passée.. C'est une tâche difficile que je leur demande : se répartir les rôles, arpenter les tables des matières, lire, choisir, synthétiser, écrire, mettre au propre, dessiner, présenter aux autres, répondre aux questions…

Je suis sûr que ce travail les aide à grandir, c'est à dire à mieux appréhender le monde, parvenir à prévoir les événements sinon à les dominer, savoir se situer parmi les autres et être capable de se faire entendre, avoir confiance en soi, s'accepter et accepter les autres, se respecter et respecter l'univers, connaître ses droits et ses devoirs, pouvoir suivre sa route même dans la tempête…

Quel programme ! Cela vaut bien tous ces moments de désordre et d'incertitudes. Je n'aurai jamais pu être enseignant simplement pour apprendre aux enfants combien font trois fois trois ou bien la différence entre un complément d'objet direct et indirect.

Qui m'a aidé à grandir ? Qui m'a fait la courte échelle ? Les livres sûrement mais on gagne tellement de temps quand quelqu'un vous tient la main !

La vie n'est pas une bonne maîtresse ; elle frappe avant d'enseigner, elle punit avant d'expliquer, elle blesse avant de montrer… Après, il est trop tard. Tant de gens estropiés qui n'ont jamais grandi, jamais embrassé toute leur stature d'homme, restent au bord du chemin.

Ai-je grandi ? Suis-je capable de réaliser ces si belles choses ? Parfois oui mais, en d'autres occasions, je me sens si misérable, si plein de questions sans réponse, si près de sombrer dans le gouffre.

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Je n'arrive pas à distinguer dans ma journée de travail des choses intéressantes, dignes d'être racontées.
Je suis devenu aveugle et sourd, la routine évidemment.
Il me faudrait des yeux neufs, des oreilles neuves, des narines neuves …
Alors je verrais, j'entendrais, je sentirais…

Je verrais toutes ces boîtes multicolores et ces trousses coca ou jean posées sur les tables, ces cartables boursouflés à demi-ouverts semblables à des bouches édentées, ces photos étalées, ces stylos multicolores et ces longs crayons mous, ces mèches de perles patiemment alignées, ces bonhommes filiformes dessinés sur l'ardoise, ces papiers furtivement jetés d'une table à l'autre, ces sourires ou ces grimaces échangés.

J'entendrais ces rires étouffés, ces soupirs, ces murmures, le grincement incessant des pieds de chaise sur le sol, ces courses, ces cris ou ces chansons pendant les récréations,

Je sentirais le matin cette odeur de produit nettoyant et d'eau de javel, les parfums sucrés des filles, les arômes des bonbons et même les fermentations de sueur à la fin des journées chaudes.

Je serais plus attentif aux mille ruses et malices qu'inventent à chaque instant les enfants pour soulever un peu le couvercle qui les écrase. Je réagirais plus vite à ces doigts timidement levés qui sont des appels au secours ou simplement des actes de présence. Je donnerais plus souvent la parole aux timides, aux humbles, aux mauvais…

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Ce matin j'ai enregistré avec plaisir le retour de deux filles CM2 qui étaient malades. Pendant la récréation l'une d'elle ne m'a pas quitté. Elle avait besoin de me retrouver et comme il s'agit d'une élève extrêmement directe et spontanée, elle est venue près de moi.

Même après tout ce temps passé en leur compagnie, je suis toujours surpris et touché par ce don que les enfants font de leur affection.

Quand un chat né dans la rue choisit une maison, y pénètre et s'y installe, chez nous, en Languedoc, nous disons qu'il s'est donné. J'aime cette expression : elle souligne que l'animal ne vient pas seulement quémander chaleur et nourriture non ! Il propose un échange ; il s'offre aux gens et au logis contre quelques croquettes et des caresses.

Bien sûr ce sont les habitants qui sont gagnants, un chat, ça n'a pas de prix !

La CM2 fait comme les chats, elle se donne tout entière contre un regard, un mot gentil, un sourire. Moi, j'y gagne tout ce merveilleux amour, cette pureté fabuleuse des sentiments.

A nouveau la terrible question : comment vais-je vivre sans eux ?